Le Mouridisme est une voie de raison
Notes de lecture du livre de Cheikh Fall Gueye intitulé : Le Mouridisme est une voie de raison
Le nouveau livre de Cheikh Fall Gueye est un délice intellectuel très amer aux yeux de ceux qui doctrinalement ne veulent user de leur raison pour appréhender, expliquer ou organiser ce puissant mouvement fondé par Cheikh Ahmadou Bamba et appelé par les penseurs, le Mouridisme.


L’auteur est un enfant de la voie ou est né dans la voie, ce qui lui donne une certaine légitimité, des miles ou du crédit pour parler sans filtres de beaucoup de pratiques du mouvement actuel qu’il juge néfastes. Il classe même les différents protagonistes qui vivent sur le dos du mouvement avec la ferme conviction que le Mouridisme est une société qui a déjà établi ses comptes et qu’il ne reste plus qu’à se partager les dividendes selon le rang de son aïeul, associé historique et grand contributeur de l’essor du mouvement. D’autres leaders lettrés profitant de la naïveté des fidèles de bonne foi attirés par le magnétisme de Cheikhoul Khadim. De grands intellectuels entrent dans le mouvement en laissant devant la porte leur raison, leurs compétences et leur background, ils sont dans la cour des miracles. Alors que le Mouridisme comme toute organisation humaine a besoin de tous ces cerveaux formés dans les plus grandes écoles du monde pour avancer sur beaucoup de domaines que l’auteur nous invite à explorer.


Cheikh Fall Gueye rame à contrecourant et essaie de montrer que le mouvement mouride certes est une voie soufie en conséquence mystique mais le cheikh puis ses khalifes l’ont toujours dirigé avec intelligence et pragmatisme, avec réalisme combinant des efforts soutenus tout en accordant une grande place aux qualités humaines. L’auteur depuis l’aube de sa jeunesse a pratiqué les dahiras surtout ceux de la diaspora. Dans son livre, il dresse leurs faiblesses, leur demande de réfléchir sur leurs forces, brosse les menaces qui les guettent et les opportunités qu’ils pourraient saisir même si les membres les plus actifs de ces organisations en l’occurrence les jëwriñ ou responsables n’en sont pas encore conscients. Sans complexe face à ceux qui ont le complexe de la raison dans la voie du cheikh à l’image de certains occidentaux et esprits occidentalisés soi-disant intellectuels qui ont le complexe de Dieu, Cheikh Fall réfléchit à haute voix, fouille dans la clairière de sa mémoire, trempe sa plume dans l’encrier qui prend sa source dans les principes fondamentaux du Mouridisme pour dénoncer ce manque de vision relayé par les responsables des organisations mourides à l’heure actuelle. Chaque organisation en prend pour son grade. Même si certaines structures du mouvement bénéficient de la clémence de sa plume épaisse.
Je pense au passage où notre auteur est ahuri par certaines manifestations que les mourides avec la complicité de médias de même obédience qualifient de cérémonies d’envergure internationale alors qu’en réalité, la manifestation qui a englouti beaucoup d’énergies et beaucoup d’argent n’a comme participants que les mourides d’origine sénégalaise venant de pays différents. L’auteur se lâche sur le contenu de ces grands évènements, leur manque d’ouverture au monde, leur absence de stratégie culturelle alors que le cheikh dont ils se réclament fait partie des plus brillants intellectuels que le monde n’a jamais connus. Dans les pires moments de sa vie, au milieu des épreuves, il n’avait comme armes que sa plume et ne faisait couler que l’encre de son rosier pour produire les merveilleux poèmes, qacaids, que les mourides déclament à longueur de magal et de dahiras sans penser à nous ouvrir au monde en invitant nos voisins, nos collègues, nos autres compatriotes, nos autres coreligionnaires, les autres civilisations à découvrir la philosophie , la sagesse et le parcours extraordinaire d’un homme que l’humanité gagnerait à connaître.

Ce livre de 144 pages au titre audacieux exhalerait un parfum de scandale pour une certaine frange de la population mouride, celle vivant comme des rentiers sans esprit d’analyse. En vérité, c’est un cri de cœur d’un mouride éclairé par la lanterne de sa Raison et motivé par son amour profond pour cette voie spirituelle si riche et jusque-là méconnue par l’humanité. L’auteur nous a gratifié d’un essai agréable à lire. Il a réussi à maintenir tout le long du livre un élan sincère et un souffle ardent. Je demande au Seigneur de protéger cette jeune pousse de la Mouridiyya dont les écrits régalent plus d’un homme et d’une femme raisonnables car il écrit avec une plume certes pointue mais surtout avec une noble intention. Les propos peuvent sembler acerbes mais les pages sont documentées et ses réflexions raisonnables. Qu’Allah multiplie ses semblables car la critique de l’amant n’aura jamais le poids ni la portée des flèches lancées par l’ennemi. Je recommande vivement aux intellectuels, étudiants et responsables mourides et non mourides de prendre le temps de lire et de méditer le livre de Cheikh Fall Gueye.